« Le 18 juin 2015, le jour de mon diplôme, j’ai distribué aux huit membres de mon jury, un texte qui commençait ainsi :   

« En juin 2011, un dégât des eaux a sinistré la pièce principale de mon appartement. Une partie du plafond a été détruite par l’eau. Quatre étais ont été posés pour éviter un effondrement. J’ai dû passer par une procédure judiciaire pour obtenir la réparation du plafond. J’ai vécu avec cet espace insolite et fascinant, pendant deux ans et demi.

J’ai d’abord peint sur le motif, chez moi, en observant la « chose », ce qui m’a permis de l’apprivoiser. Puis, quand je suis entrée à l’école, en troisième année, j’ai réalisé des peintures, des dessins, des maquettes, sur le même sujet et plus particulièrement sur celui de l’intrusion.                  

Ce trou représente pour moi une brèche dans le réel, par laquelle peuvent surgir toutes sortes de choses angoissantes, sensations, fantasmes, visions.

J’ai notamment réalisé une installation, ma première, à ArToll [résidence d’artistes en Allemagne], en avril 2014, intitulée Intrusion. La pièce était encombrée par un parallélépipède de bâches en plastique, comme une bulle d’air, énorme et fragile. Il empêchait de voir un mur de peintures.

Depuis, mon désir de réaliser des installations reste très fort. »

 

Cette présentation de mon travail, je l’ai faite oralement, pendant que le jury se tenait debout, autour de ma peinture Eclaté du Plafond, étalée à même le sol, dans la cour de l’école. Je leur ai annoncé que je leur proposais un parcours comme une installation.

Devant chaque pièce, je leur ai expliqué ce qu’ils pouvaient lire en même temps dans ma synthèse.

 

 « Eclaté du Plafond (vu dans la cour)                                                   

(D’après photographies. 600 cm x 480 cm. 48 sacs à gravats en plastique de 60 cm x 100 cm, liant Caparol, peinture acrylique, 235 tiges filetées de 1 m.)

On voit le résultat du travail de destruction de l’eau : un trou. J’ai aussi représenté des trous de sondage (découpés pour déterminer la zone de plancher dégradée). »

[...]

Toujours dans cette salle [la grande salle de cours au premier étage], je leur ai demandé de s’approcher cette fois de la baie vitrée, et de regarder dehors la peinture étendue au sol, dans la cour.

« Eclaté du Plafond (vu du premier étage)

Sensation de vertige. Je renverse la situation. Je prends le dessus sur l’événement. Le plafond est au sol, à nos pieds. La menace n’est plus sur la tête. Elle est mise à terre.          

Le support de cette représentation est résistant et fragile à la fois puisque les sacs se détériorent, la peinture s’écaillant. L’aléatoire est aussi présent dans les dimensions des sacs qui ne sont pas rigoureusement identiques, le vent qui peut déplacer les toiles. Quant à la pluie… » »

Extrait de Dégât Des Eaux, Fabienne Gillmann, janvier 2016, p.30-31-33-34